Bizarre. Ce goût de fer dans la bouche… Je n’ai pourtant pas léché de barre à mine. Je me souviens pourtant que la dernière fois que j’ai eu cette même impression, je ne marchais plus droit…
J’arrête la voiture. J’essaie de faire quelques pas.
Un vent violent me pousse vers la droite, me faisant presque chuter.
Non, il n’y a pas de vent. C’est moi.
Après avoir dit coucou à plusieurs médecins qui ont cherché, je tombe finalement sur un qui trouve. L’IRM confirme : il s’agit d’un AVC. D’accord. Mes maux de tête doivent y être liés, alors.
Reprenant mon équilibre, j’essaie alors de récupérer de cet accident. Malheureusement, j’ai la migraine. Pas le mal de tête qui embête durant la journée de travail. Ni la migraine de douleur 10 sur 10 qui oblige à rester dans l’obscurité, fait vomir ou provoque des troubles visuels. Non, celle-ci a l’esprit de compétition : elle fait en sorte d’atteindre le niveau 22 sur 10 et de s’installer pour toujours.
Nous venons d’accueillir notre deuxième enfant et ma femme est toujours en congé maternité. Moi, je suis vidé, je ne suis plus capable de rien faire. Pourtant, nous ne nous inquiétons pas : le plus dur est derrière nous, je suis bien pris en charge et les douleurs vont gentiment disparaître…
… ou pas.
Ma femme et moi décidons de tout essayer, de tenter chaque piste, chaque idée qui nous parvient, avec cependant une seule règle : une chose à la fois. Histoire d’être sûr de ce qui fonctionne ou non.
Parfois le moral y est, parfois non. Mais au fil du temps, l’avenir commence à se brouiller, nous vivons dans le doute, au jour le jour. Je suis agressif, toujours fatigué, toujours énervé. Parfois même violent. Je n’en peux plus. Je ne peux plus supporter ce mal constant que rien n’arrive à chasser. Il m’éloigne doucement de la vie. La famille nous soutient, les amis nous comprennent… Mais au travail, c’est plus compliqué. Cette douleur est invisible: mes collègues peinent à réaliser mon quotidien.
En une année et demie, j’ai tout tenté. Je vois bien que mon doc arrive au bout de ses ressources. Sans oublier qu’en parallèle, j’ai testé beaucoup de choses : physio, ostéo, hypnose, guérisseur, soins énergétiques… J’ai bientôt rendez-vous avec un acupuncteur… et le Centre de la douleur. Je ne sais même plus si j’ose encore espérer.
Je ne comprends pas pourquoi ma femme et mes enfants restent avec moi. Quel avenir dans cette famille, avec moi ? Moi, j’ai mal. J’ai de plus en plus souvent envie d’en finir. J’aime la vie… Je veux juste que la douleur s’arrête. Même le Fentanyl, 80 fois plus puissant que la morphine et que l’héroïne, additionné à des flacons entiers de Tramal, ne suffisent pas à me soulager.
Un ami nous propose alors une nouvelle idée. Pourtant, nous ne sommes pas très motivés, ni ma femme ni moi. Mais nous nous étions fait une promesse et pour ma femme, pas question de nous trahir. Elle me pousse à y aller, me fiche dehors. Je pars donc rejoindre mon ami par dépit, sans plus rien attendre de la vie. Il s’agit juste de lui faire plaisir.
Je sors de cette soirée étrange… en ne sentant plus rien. Ma tête est dans une bulle, dans un nuage. Il me faut quand même quelques jours pour être sûr que c’est vrai ! En même temps, j’ai une magnifique pneumonie et suis cloué au lit… pour changer. Mais ma tête est libérée. C’est un miracle. Un vrai miracle qui a eu lieu à une soirée de prières. Merci pour cette guérison.
Le Centre de la douleur a égaré temporairement mon dossier. Puis un jour, quelqu’un me rappelle tout de même et je m’en vais donc rencontrer une nouvelle personne. Après m’avoir écouté, elle me dit :
– Je suis contente de savoir que vous êtes guéri, car après tout ce que vous avez tenté, je n’avais plus grand-chose à vous proposer… à part… d’apprendre à vivre avec.
Alors ça non… pas question. Oui, heureusement qu’ils ont égaré mon dossier. Si cet entretien avait eu lieu avant…
Quelques instants de bonheur…
Beau témoignage. Ca rejoint bien mon vécu: quand on a mal, ça prend toute la place. Et oui, ça ne se voit pas.